« Mieux apprendre du passé pour aller sereinement de l’avant »
Publié le 28 mai 2018Télécom SudParis
Musée (nom, masculin) : lieu rempli d'objets rares, beaux, précieux à valeur scientifique, artistique, culturel ou pédagogique. Avec ses ordinateurs, modems et téléphones oubliés d'une époque actuelle où le smartphone règne en maître presque absolu, le nouveau Musée des Télécommunications de Télécom SudParis témoigne aussi bien de l'histoire et des origines de cette grande école d'ingénieurs que de la beauté de ces technologies d'hier qui ont forgé la société numérique d'aujourd'hui.
Christos K., chef de projet, Pierre-Antoine M., responsable communication, et François Trahay, enseignant-chercheur et "client" de ce projet étudiant de première année GATE® (Gestion et Apprentissage du Travail en Équipe) du Musée des Télécommunications d'ETOILE, ont bien voulu nous raconter son histoire.
D'où vient l'idée de ce Musée des Télécommunications ?
François Trahay : Depuis trois-quatre ans, j'accumule de vieux ordinateurs ou vieux modems d'anciens collègues, des objets qui me rappellent mon enfance et que je trouve dommage de simplement jeter. A tel point que mon bureau est devenu une véritable galerie de curiosités. J'ai donc eu l'idée, l'an dernier, de "commander" un projet GATE [NDLR : le projet GATE est un projet pédagogique pour apprendre aux étudiants de première année à travailler en équipe] à des étudiants de première année pour faire le tour de tous les départements de recherche de l’École, répertorier et utiliser ses objets dans le cadre d'une exposition temporaire.
A la suite d'une seule semaine d'exposition, beaucoup de personnes sont venues me voir pour me proposer d'exposer leurs objets personnels aussi. La direction de l’École a accepté de financer un second projet qui donnerait naissance à un musée permanent. Le but était donc, cette année, de continuer le travail qui avait commencé, de l'améliorer et de rajouter une dimension ludique - en l'occurrence avec une énigme à résoudre pour les visiteurs.
Comment avez-vous conçu ce musée ?
Christos : On a commencé par beaucoup de réunions de brainstorming, à une fréquence de deux par semaine. On voulait vraiment explorer plusieurs idées pour trouver ce qui serait le plus pertinent pour rendre l'exposition interactive comme selon les souhaits de M. Trahay : réaliser une énigme, générer des QR Codes… Par exemple, en termes de placement et de visibilité, il y a énormément de réflexion derrière une simple étiquette pour savoir.
Pierre-Antoine : Ensuite, on s'est réparti les tâches selon ce qui nous convenait le plus. Par exemple, certains voulaient concevoir un site web donc on a fait un site web.
Christos : M. Trahay souhaitait réaliser une exposition physique et virtuelle. Le site web est donc devenu une composante à part entière.
François Trahay : C’est aussi une façon de montrer d’autres objets qui ne peuvent pas être exposés par manque de place. Il y en a encore plein d’autres en réserve, que les étudiants ont déjà collectés et il y en a d’autres qui vont arriver.
Avec certains contributeurs, une rencontre de trente minutes pouvaient finir au bout de deux heures de discussion passionnante. On venait les voir les mains vides et on repartait avec 20 kg d’objets et d’équipement à exposer !
Pierre-Antoine : Enfin pour ma part, je me suis chargé de concevoir l'énigme. Il existe peu de musées des télécommunications en France, donc on s'est inspiré du musée Bolo de Lausanne mais aussi de nos propres expériences muséales et de la mode actuelle de l' "escape game".
Le principe de l'énigme repose sur l'histoire d'un jeune scientifique, évidemment très intelligent et très fort - sans aucun lien avec la réalité, bien sûr ! (rires) C'est un peu le Géo Trouvetou de notre époque, ou Tony Stark pour les plus jeunes. Il a réussi à construire une machine incroyable, capable de numériser n’importe quel objet inanimé et de l'archiver dans un PC, et inversement. En gros, il a inventé une nouvelle façon de ranger sa cave. Malheureusement, à la suite d'un incident, ce scientifique se retrouve lui-même numérisé.
Le visiteur doit alors l'aider à retrouver toutes les pièces nécessaires pour réparer la machine et la ré-activer pour le faire revenir dans le monde réel. Chaque objet de l’énigme est présent dans le musée : le musée devient un petit peu son laboratoire. Cela permet aux visiteurs de l’explorer de façon active et impliquée.
Quels sont les trois objets emblématiques, à voir absolument, de ce musée ?
Pierre-Antoine : Il y a d'abord l’ordinateur portable sur lequel était déjà installé le jeu-vidéo Age of Empires, à l'occasion de l'ouverture le 25 mai : un Toshiba Tecra 520CDT de 1996. Il nous a été donné par un ancien étudiant du club de robotique INTech. Cette machine est l’une des seules qui fonctionne encore parfaitement - voire même plus rapidement que certains de nos ordinateurs actuels !
Il y a aussi l’ancien Power Book 180c de M. Michel Berne [directeur d'études en droit, économie et finances, à Institut Mines-Télécom Business School]. Cet ordinateur serait parfait pour un cosplay thème "année 1993" : toute la suite logiciel est encore dessus ! Pour finir, il y a la carte centrale téléphonique historique de l’Institut National des Télécommunications [l'ancêtre de Télécom SudParis]. C’est un objet vraiment unique, au sens littéral du terme, et sans doute le plus représentatif de l’histoire de l’École.
Que retenez-vous de la réalisation d'un tel projet ?
Christos : Je voulais vraiment participer à quelque chose qui puisse rester, laisser une trace. Je suis aussi membre d'une association qui organise le Forum des Télécommunications, donc j’étais assez partant pour organiser quelque chose moi-même. Les réunions et les brainstormings, le fait de se donner nos retours ensemble, gagner en adaptabilité, développer nos capacités en communication : ce projet nous a servi de vraie professionnalisation finalement. Nous avons pu répondre à toutes les attentes de notre "client" par une grande coopération entre nous qui a été cruciale pour la réussite du projet.
Pierre-Antoine : J'ai toujours voulu faire de l'électronique, du hardware, et ce projet GATE me semblait en continuité avec ce que je comptais faire plus tard. Ça m'a permis de voir des objets que je n'avais jamais vus. Et puis, l’organisation d'un musée, le fait de construire quelque chose de permanent, qui va rester et qui va promouvoir notre École, c’est quelque chose que j’apprécie.
Développer notre travail en équipe aussi et avoir la chance d’avoir un "premier client" impliqué et enthousiaste. Enfin, ce que j’ai trouvé extraordinaire, c’est d'avoir pu rencontrer des professeurs et des contributeurs aussi passionnés que nous. Avec certains d'entre eux, une rencontre de trente minutes pouvaient finir au bout de deux heures passionnantes. On venait les voir les mains vides et on repartait avec 20 kg d’objets et d’équipement à exposer !
Enfin, que pensez-vous de la place du numérique dans notre société actuelle et l’importance de montrer son évolution ?
Pierre-Antoine : On a une phrase qui nous revenait systématiquement tout au long de l'organisation de ce projet : "mieux apprendre du passé pour aller sereinement de l’avant". C’est exactement ce que représente ce musée. Montrer que ce patrimoine là fait aussi partie de l’humanité même si le numérique, à la vitesse à laquelle il avance, nous dépasse souvent.
Christos : Et puis, le montrer en suscitant de la nostalgie pour ces objets. On l’a vu à l’ouverture où certaines personnes avaient des étoiles dans les yeux - c'est un peu cliché mais c'est vrai ! Notamment, quand Mme Claire Lecocq [enseignante-chercheure en informatique et adjointe du directeur des formations à Télécom SudParis] nous a dit qu’elle avait écrit sa thèse sur un des modèles d'ordinateurs exposés.
François Trahay : Ce musée permet aussi de se rendre compte que, il n'y a pas si longtemps, l’École était un institut de formation des PTTs [ouvriers et ingénieurs en charge des Postes, Télégraphes & Téléphones]. Cela montre l’évolution, non seulement de Télécom SudParis, des télécommunications, mais aussi de la société. Il témoigne aussi de l’origine de ce que l’on appelle aujourd’hui le secteur du numérique.
Crédit photos : Déclic (club photo de Télécom SudParis)
Félix Gouty